Je parle ici des mains dont on ne sait que faire
les fourmis
c’est ce qu’il reste
c’est ce qu’il reste de la poussière qu’on a jeté sur Paris
et Paris n’a rien à faire ici,
mais j’aime les ponts de Paris
j’aimerais galoper dans Paris
jouer aux échecs à Paris et parler aux loups du zoo de Vincennes
je monterai sur une estrade, pour mieux voir les jours et compter les têtes que
l’on coupe
je prendrai avec moi les enfants qu’on a donné en pâture aux taureaux d’à côté
je les imagine beaux, vêtus de rouge et d’or
non ! presque invisibles
je les vois beaux, et transparents comme l’air
traversant les ponts de Paris
j’imagine des ombres, avec ce qu’il faut de lumière
pour éblouir les nomades, mais je ne sais toujours pas
trouver les mots
et j’imagine des livres, remplis de fourmis
qui combleraient ma peau
pour n’avoir rien à dire
j’imagine des bouts de peau, immenses
qu’on étendrait là
et l’on y dormirait
pour ne pas déranger les voisins
et il y aurait de l’or
plein d’or ! et les chevaux entreront dans Paris, la queue entre les
jambes
sais-tu toi
pourquoi on en veut tant aux loups
sais tu pourquoi on n’en fait pas un opéra
ou un serment
demande aux femmes, chéri
aux fourmis
aux idiots du village
aux déserteurs
aux papiers et aux fleurs, parle
je cracherai pour toi, sur les mots qu’on oublie.